Tuesday, 14 April 2009

Le projet (note en Français)

Notre projet est avant tout un projet de recherche chorégraphique.

Nous souhaitons développer une méthode créative qui nous soit propre et par là même explorer notre identité artistique.

Notre recherche a pour point de départ notre intérêt commun pour la relation entre le corps et l'objet et ce qu'elle reflète de notre relation au monde qui nous entoure.

Notre démarche est dans une certaine mesure le prolongement de nos travaux individuels précédents, notamment nos mémoires de BA. En effet, nous faisons appel aux théories de phénoménologie de Merleau-Ponty et à la sensation telle que l'a décrite Deleuze. De plus nous attachons une grande importance à la perception physique et viscérale et à la mémoire musculaire comme empreinte de l'expérience. Nous tentons donc d'une part de nous fier à l'intelligence du corps plutôt qu'à l'intellect dans notre travail pratique, tout en attachant, d'autre part, une grande importance à l'analyse et la formalisation de notre processus.

Notre recherche s'articule autour de deux axes qui sont la taxinomie et l'histoire personnelle (que nous réservons temporairement pour plus tard) appliquées aux mouvements et aux objets.

Dans notre processus, nous détournons le protocole taxinomique, c'est-à-dire la classification, la dénomination et le regroupement systématique d'éléments (généralement des espèces vivantes), que nous transposons aux objets et aux mouvements. Nous appliquons des critères subjectifs à ce système rationnel et observons par conséquent ce que ces choix révèlent de nos affinités et tendances personnelles. Que se passerait-il, par exemple, si l'on organisait les objets d'une maison non plus par leurs fonctions (les ustensiles de cuisine dans la cuisine, les vêtements ensemble, etc) mais suivant ce que l'on en perçoit instinctivement ? Quelle serait la nature de ce nouvel univers, reflet de notre monde intime ?

Afin de mettre en relation le corps et l'objet, nous explorons l'incarnation physique (embodiement en anglais) des propriétés essentielles subjectives d'objets en essayant de répondre à la question "what is the something that that is ?".

Lors de notre dernière période de travail (Laban Centre, Janvier 09), nous avons décortiqué puis analysé le processus qui conduit de l'interrogation de l'objet à son incarnation. Les différentes étapes que nous avons identifiées et isolées constituent l'ébauche d'un protocole d'improvisation que nous appelons "the processing machine". Celui-ci nous permet de distiller par le mouvement dansé, ainsi qu'à travers d'autres média (verbalisation, vocalisation, dessin, etc) l'information physique, presque tangible, glanée au contact de l'objet. L'improvisation nous permet de clarifier cette information pour en capter l'essence. En effet, notre première réponse physique sert de point de départ au mouvement. L'approfondissement de l'exploration corporelle de cette information primaire stimule la mémoire musculaire ainsi que l'imagination et la connaissance qui contribuent à leur tour à distiller l'information originale. Ces multiples strates sont autant d'éléments qui alimentent à leur tour la distillation.

L'improvisation est donc à la fois le processus et une partie de son produit.

Bien qu'ayant pris le parti de nous détacher des préoccupations de production pour un temps, il nous tient à cœur que ce projet aboutisse à la création d'une pièce chorégraphique. Nous considérons les différents éléments de notre méthode comme autant d'outils de composition qui pourront être utilisés pour la création d'une partition d'improvisation.

Enfin, nous avons conscience d'être à un stade précoce de notre travail sur la taxinomie du mouvement. De nombreuses questions restées en suspens n'attendent qu'à être explorées. Quelle est la nature de la relation entre l'objet et son incarnation ? Comment cette relation est-elle affectée par le contexte, par d'autres objets et la présence de l'autre danseuse ? Notre processus de distillation peut-il s'appliquer à d'autre média (photographie, installation, vidéo) ?

C'est une des raisons pour lesquelles notre collaboration prend une seconde forme en dehors de nos périodes en studio: nous utilisons un blog (http://janineandelodie.blogspot.com) comme plateforme pour publier les compte-rendus de notre recherche, échanger nos pensées sur certains aspects théoriques du travail, clarifier une partie du processus ou la terminologie que nous utilisons. Ce blog nous permet de maintenir un dialogue permanent entre nous. Notre travail peut ainsi exister en dehors de nos rencontres et devient une entité autonome en constante évolution.

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